Androcles méditait paisiblement, assise à une table proche du feu, tout en se délectant d’un hydromel relativement doux. Cependant le calme qui régnait fut rapidement balayé par l’arrivée en fanfare d’une bande de garnements Orcs en pleine chamaillerie. Attendrie par cette scène, Androcles esquissa un sourire qui n’échappa pas à l’un des gamins. Celui-ci s’approcha timidement, tout enfant qu’il était, contrastant avec la turbulence de ses camarades.
« - Madame, t’as un visage bizarre … T’as quoi ? » demanda-t-il avec naïveté et embarra.
Elle s’y attendait à celle-là ! De toute façon à chaque fois qu’elle croisait des gosses c’était la même chose ; c’est que les enfants de ces jours-là étaient bien curieux et avares de chercher des origines aux bizarreries du monde.
Plantant ses yeux - aux couleurs trop azurées pour être celui d’une Orc de sang pur - dans ceux du môme, elle accompagna ce geste d’un sourire bienveillant. Aussi était-elle bien partie pour raconter sa vie (une fois de plus héhé…).
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« - Androcles ? Ça c’est pas un nom d’Orc, de vraie Orc… » Et « Ça », c’était la formule "idéale". Idéale pour courroucer la détentrice du nom en question, et même si elle était réputée pour sa constance, évoquer la singularité (mais aussi la monstruosité) de cette appellation pouvait la déchaîner dans tous les sens du terme.
On s’en serait douté, cette ignominie n’était dû qu’à l’esprit farfelu de sa « procréatrice » humaine (ah non, pas « mère » ce serait une insulte !) qui était déjà sérieusement dérangée pour avoir décidé de conserver avec elle Androcles, résultat d’une « agression » commise par un guerrier Orc (saoul, en temps normal un orc ne s’abaisserait pas à ce genre d’acte … ou du moins sur une humaine… Rassurez-moi) alors que la femme vagabondait entre Theramore et Cabestan (faut quand même être sérieusement atteint pour se promener seul en territoire hostile aussi).
Évidemment cette idée d’hybride élevée par une femme souillée par la « vermine » Orc (selon l’alliance, je ne veux pas être impliquée dans leurs histoires !) n’était pas sans en effrayer quelques uns. D’ailleurs nous savons tous que les humains sont réputés pour leur répulsion vis-à-vis de toute « différence » flagrante ou non et Androcles en fit pleinement les frais. Blessures, insultes et déshonneur étaient le lot quotidien de souffrance qu’elle devait endurer et même si elle était encore en vie, elle savait pertinemment que lorsqu’elle aurait atteint la puberté ces chiens de l’alliance n’hésiteraient pas un seul instant à l’abattre comme un animal.
Ainsi elle s’enfuit la veille de ses treize ans, en maudissant à son départ chaque individu ayant causé son malheur, sa génitrice la première car autant elle l’aurait abandonnée à sa naissance, autant elle aurait certainement été plus heureuse ! (radical mais réaliste)
Elle se retrouva à errer dans les Tarides, le ventre tiraillé par la faim et les muscles tellement raides qu’au moindre mouvement c’était son corps entier qui l’endurait. Ce ne fut qu’après plusieurs heures de marche sous une chaleur mortelle que l’adolescente s’effondra sur les rives du fleuve Furie-du-sud, abattue par sa fatigue.
Elle a peut-être eu de la chance ou bien tel était son sort, car alors qu’elle dépérissait lentement de sa faiblesse et que la clarté de l’aube éclaircissait les traits de son visage excessivement fin, un Troll de la tribu des Sombrelances l’aperçut et lui apporta un soutient tout juste nécessaire pour la maintenir en vie. Ormazd comprit bien - au regard des traits étrangers de l’adolescente et des balafres qui parcouraient ses bras et ses jambes - que celle-ci n’avait pas dû vivre des instants bien glorieux par le passé et que, une fois encore, la calamité humaine avait frappé. Portant sur son dos robuste le corps fragilisé d’Androcles, il l’amena au village de Sen’Jin où l’on prit soin de la rétablir. Pour elle, c’était la première fois que l’on faisait attention à son état et que l’on s’inquiétait de sa santé ; et même en ayant le sang-mêlé, il y avait toujours cette part Orc en elle qui faisait qu’elle serait éternellement liée mais aussi redevable à la Horde.
Grandissant parmi la tribu des Sombrelances, ces derniers prirent grand soin à détourner son attention des Orcs, lesquels elle ne se représentait que par des récits de guerre et les vieilles rumeurs entendues durant son enfance. Il était évident qu’elle préférait nettement les versions de la Horde, sa fierté se ravivant de plus belle à chaque histoire, honorée d’être la descendante de l’un de ces valeureux guerriers de Thrall. Mais son arrivée à l’adolescence pure et dure engendra des questions qui firent vaciller l’équilibre précaire dans lequel elle avait placé tout son jugement : cette manie qu’avaient eu Ormazd et les autres Troll de la dissimuler ainsi de (et à) ses « confrères » n’était-elle pas une vérité à laquelle la jeune orc ne pouvait faire face ? Celle qui la présentait à leurs yeux comme une bâtarde, de la même manière qu’elle était perçue par les humains…
Ormazd se rendait bien compte du malaise qui tiraillait sa jeune protégée, c’est pourquoi il prit l’initiative de l’emmener avec lui à Durotar pour lui faire découvrir autre chose que les rives monotones qui bordent le village de Sen’jin, mais aussi et surtout ses congénères Orcs. Elle était assez mûre pour pouvoir décider de son avenir et se construire elle même à présent...